Le surpoids et la discrimination au travail
La stigmatisation des personnes en surpoids est à la base de la discrimination de ces derniers. Une forte ambivalence caractérise les relations que nouent les sociétés occidentales avec la personne obèse. Le discours social lui affirme qu'elle est une personne normale, membre à part entière de la communauté, que ses capacités et ses compétences ne sont pas entravées par sa conformation physique, mais en même temps, elle est marginalisée, tenue plus ou moins hors du monde du travail, surtout des emplois publics. Il convient d’étudier d’abord le poids des apparences en général au travail avant de s’intéresser plus précisément à l’obésité. Quand on parle d’apparence on sous entend le corps la beauté ou encore la tenue. Il s’agit donc d’un aspect entièrement subjectif, et pourtant, le physique prend aujourd’hui une place capitale dans la vie en société, que ce soit pour trouver l’amour, dans la vie sociale ou particulièrement au travail. Souffrir d’obésité, être de trop grande taille, ou bien même avoir un visage disgracieux sont parfois de véritables obstacles à une embauche. L’apparence physique est d’autant plus importante, que nos sociétés prônent des canons de beauté. Ce nouveau type de discrimination touche également la tenue vestimentaire, les coupes de cheveux ou bien encore les piercings. Certains employeurs sont parfois récalcitrants du fait de leur éducation ou de l’image qu’ils souhaitent donner à leur entreprise. Ainsi, 85% des demandeurs d’emploi déclarent que les discriminations sont fréquentes au moment d’accéder à un emploi, selon le 8e baromètre de perception des discriminations dans l’emploi, publié en janvier 2015. Avoir un style qui ne correspond pas aux codes du milieu professionnel arrive en 3e position des motifs de discrimination. Et 75% des personnes interrogées estiment qu’être obèse est un inconvénient pour être embauché.
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La discrimination à l’apparence physique est établie par plusieurs études depuis une dizaine d’années. Néanmoins on a encore aujourd’hui affaire à un sujet presque tabou.
On a plus tendance à tenter de prévenir les discriminations, légitimes et donc reconnues par la population, et incontestables. Il s’agit des questions éthno-raciales, de genre, de handicap et d’orientation sexuelle. La discrimination à l’apparence physique est un motif connu mais on ne s’y arrête moins. Un autre argument consiste à penser que l’apparence physique, notamment l’obésité, relève de la responsabilité propre des individus. Ils sont les seuls responsables de leur poids et donc de leur handicap.
L’apparence physique est pourtant un facteur majeur de la discrimination au travail en France. En effet plusieurs études démontrent qu’elle se situent à plusieurs reprises dans le top 5 ou dans le top 3 des critères discriminants. Elle n’est donc pas moindre et nécessite une grande attention.
En 2011, comme on peut le voir sur les statistiques publiées par lemonde.fr, l’apparence physique prenait déja une place majeure dans les critères de discrimination à l’embauche étant donnée qu’elle figurait à la cinquième place.
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Elle est dorénavant encore plus forte. En effet, elle est devenue le troisième critère discriminant après le genre et l’origine. Selon le baromètre Ifop publié le lundi 3 février 2014 par 20 Minutes et réalisé pour l’Organisation internationale du travail sur les discriminations au travail, 31% des salariés du secteur privé seraient victimes de discriminations. Ils seraient près de 20% à faire l'objet de discriminations physiques. Les salariés seraient de plus en plus jugés sur leur apparence. C'est en effet ce que révèle le graphique ci-dessous.
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Cependant, il faut nuancer les points de vue. En effet, selon un rapport de l’OIT, pour la direction des Ressources Humaines, c’est l’origine ethnique qui joue le rôle du facteur le plus discriminant tandis que chez les salariés l’apparence physique et l’âge sont les deux premières formes de discrimination perçues.
Nous nous sommes appuyés sur un échantillon de 1004 personnes, représentatif des demandeurs d’emploi âgés de 18 ans et plus et échantillon de 502 personnes, représentatif des demandeurs d’emploi résidant en Zone Urbaine Sensible âgés de 18 ans et plus.
La représentativité de l'échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, catégorie socio-professionnelle) après stratification par région et catégorie d'agglomération. Les interviews ont eu lieu par questionnaire entre le 27 juin et le 16 juillet 2013 en France. Il s’agit ici de demandeurs d’emplois ayant été discriminés à l’embauche:
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Nous avons donc vu à quel point l’apparence physique était majeure dans le domaine de la discrimination au travail. Si cet aspect ne cesse de progresser c’est d’abord car depuis le XXème siècle l’apparence physique est devenue mesurable ( par l’apparition de l’IMC par exemple). Les réseaux sociaux ont aussi eu leur rôle a joué. En effet même si les photographies sur les CV étaient supprimer, les employeurs auraient toujours accès aux profils des candidats sur les différents réseaux sociaux pour pouvoir se rendre compte de leur apparence physique. C’est aujourd’hui un processus très utilisé par la plupart des employeurs.
Cependant c’est la transformation de la société qui a alourdi le poids des apparences au travail dans nos sociétés modernes. Les sociétés se sont développées autour d’emplois de service. L’apparence compte plus qu’avant car il s’agit désormais plus de séductions que de compétences. Il faut savoir communiquer et vendre et l’image peut participer à la séduction. Elle compte alors beaucoup plus qu’avant. Dans les sociétés pré-industrielles, basées autour du secteur primaire, l’apparence n’était pas primordiale, loin de là. Aujourd’hui, le marché du travail impose ses propres normes de beauté et d’après Jean François Amadieu, sociologue français, il suffit d’être doté d’un « capital érotique » pour réussir. Cet aspect est d’autant plus valable pour les femmes où cette fois-ci « séduire fait vendre ».
Depuis 2001, la France est le seul pays européen à avoir inclus dans les lois de non discrimination au travail, l’apparence . En effet, le critère de l’apparence physique fait partie des motifs de discrimination introduits par la loi n°2001-1066 du 16 novembre 2001 en même temps que d’autres tels que l’âge, le patronyme ou l’orientation sexuelle. Ce motif, qui n’apparait ni dans la législation européenne ni dans celle d’autres États de l’UE (sauf en Belgique), figure aujourd’hui parmi les 20 critères en vertu desquels une dif- férence de traitement, notamment dans l’emploi, est interdite en France. En droit du travail, la discrimination est le traitement inégal et défavorable appliqué à certaines personnes en raison notamment de leur origine, de leur nom, de leur sexe, de leur religion, de leur apparence physique ou de leur appartenance à un mouvement philosophique, syndical ou politique. Cependant la discrimination liée à l’apparence physique reste très difficile à prouver étant donnée que certains la considèrent moins légitime et que donc moins de preuves sont accessibles. Pour certains, la couleur de peau est naturellement déterminée et ce n’est donc pas la faute des personnes concernées tandis que le poids est uniquement de la faute des personnes elles-mêmes et qui donc mériteraient presque cette discrimination.
C’est pourquoi, malgré la présence de lois qui l’interdisent, la discrimination liée à l’apparence physique est fréquente aujourd’hui. Une étude très récente montre que près de 15 ans après son introduction parmi les motifs de discrimination interdits par la loi, le cas de l’apparence physique est encore très peu mobilisé juridiquement. Selon le Baromètre Défenseur des droits / OIT, à travers l'étude publiée en 2016, près de 8 chômeurs sur 10 pensent que leur apparence physique influence le recruteur.
L'enquête est consultable ici pour plus de précisions :
Cette étude, "qui se fonde sur les discriminations déclarées par les chômeurs, met en évidence des liens significatifs et cohérents entre l’apparence corporelle et vestimentaire et les expériences de discrimination à l’embauche. La sanction de la contrainte sociale liée à l’apparence physique pèse plus fortement sur les femmes qui déclarent plus souvent que les hommes avoir été discriminée à l’embauche du fait de leur apparence physique, et en particulier lorsqu’elles présentent un poids ou un style « hors normes ». Le critère de l’apparence physique semble bien être un critère à part entière qui a toute sa place parmi les motifs de discrimination juridiquement prohibés. "
Cette étude a permis de faire ressortir le problème de ce que les médias surnomment aujourd'hui "le physique de l'emploi" ou "la "gueule de l'emploi" qui reste en France un sujet tabou bien qu'il soit réellement d'actualité.
(cliquez sur l'image pour découvrir l'article)
Comme ces enquêtes ont pu nous le prouver l'apparence est un facteur majeur de la discrimination au travail en France et continue à prendre du poids. A travers la dernière enquête ressort le fait que l'obésité/ le surpoids est le critère le plus proéminent de l'apparence physique. Quel est son véritable impact sur la discrimination au travail en France?
Pour en savoir plus:
*(1) http://bts-sio.lyc-bonaparte.fr/?action=actualites
*(2) http://www.anact.fr/hausse-des-discriminations-vecues-sur-lage-le-genre-et-la-grossesse
*(3) http://www.20minutes.fr/societe/1287510-20140202-20140202-discriminations-lapparence-progressent
*(4) http://www.face-herault.org/2014/03/barometre-2014-de-la-perception-des-discriminations-au-travail/



